Tout débutant en création de jeu de société s’est un jour posé cette question : comment protéger son investissement. Il est normal que le créateur soit rémunéré du temps passé dans la recherche, le développement et la mise au point de son concept.
Mais alors, faut-il craindre le vol d’idée ? Faut-il se protéger ? Faut-il s’armer juridiquement contre le délit intellectuel ?
Lorsque j’ai planché des jours et des jours dans la réalisation de mes jeux, est venu le moment où j’ai souhaité le montrer au monde entier.
Cette envie de découvrir impatiemment le retour des joueurs, de boire leurs critiques (et oui, il s’agit d’être également ouvert aux critiques, j’en parlerai dans un prochain billet) a initié pour la suite, une angoisse. Que faire si je communique à une personne malveillante ?
Que dois-je craindre si cette personne copie-colle toutes mes idées et tous mes jeux pour en jouir pécuniairement ?
Waouu, t’as vu comme je parle bien.
Tout auteur débutant s’est posé cette question : faut-il avoir peur du vol d’idée ?
D’abord, qu’est-ce que c’est une idée ?
Une idée n’est rien d’autre qu’un courant circulant dans les synapses du cerveau. L’idée est profondément cachée dans le cervelet, douillettement installée dans le cortex. Pour l’instant, personne n’y a accès.
À ce stade, vous en conviendrez, rien n’est protégeable, sauf votre vie. Mais concrètement, rien n’est encore produit !
L’idée se transforme ensuite en concept lorsqu’elle commence à être planchée sur le papier ou lorsqu’elle est expliquée à une autre personne.
Mais est-ce que cette seconde personne formalisera l’idée originelle de la même manière que son créateur ?
Peut-on faire confiance à cette tierce personne ?
Après le doute : ma théorie.
Vous voyez où je veux en venir ?
C’est très simple. On est capable de copier un objet à l’identique, on peut assembler 1000 télévisions suivant le même modèle.
On peut multiplier à loisir et en série toute sorte de chose. Mais l’initiative de cette chose, on la doit à cette personne qui a su formaliser son idée.
L’histoire économique nous a prouvé que ceci était possible, à une nuance près : lorsque l’on détient le savoir-faire, la copie est en général de moins bonne qualité.
Donc, la vraie valeur, la vraie force, c’est celui qui crée, et non celui qui copie.
Le savoir-faire, c’est vous !
Quand une amie m’a lancé : « Mais t’as pas peur qu’on te vole ton jeu ? ».
Je lui ai tenu le raisonnement suivant.
Non. Je n’ai pas peur. L’idée est née dans mon esprit. Le concept a été travaillé en fonction de cette idée. Puis le concept évolue en fonction du cadre de l’idée de départ.
Ce qui veut dire, que n’importe quel jeu que je crée me donne forcément une longueur d’avance sur un quelconque vol intellectuel.
Et qu’en ferait-il ? En imaginant que le voleur reproduise le jeu à l’identique, comprendra-t-il la mécanique ? Aura-t-il les idées pour améliorer le jeu ?
Parviendra-t-il à créer des extensions, par exemple ?
Non, je ne produis pas de télévision, alors je ne suis pas inquiet.
D’ailleurs, dans l’univers du jeu de société, je doute qu’un seul auteur de jeu soit vraiment angoissé sur le vol d’idée.
En fait, on s’inspire les uns les autres, en adaptant telle ou telle mécanique empruntée à tel ou tel jeu.
Un peu comme des Lego, on associe des morceaux d’idées et de mécaniques qui existent déjà. En soi, il n’y a rien de révolutionnaire. L’innovation réside dans cette alchimie astucieuse de ses découvertes. Où l’assemblage de ces dernières crée la nouveauté !
Bien que le marché du jeu de société soit énorme et ne cesse de progresser chaque année, auteurs, éditeurs et joueurs, aucun n’aime ni le plagiat, ni le vol.
Il serait donc contre-productif de tenter la copie confirme d’un jeu.
Le secret réside dans la communication, le plus tôt possible, pour prouver la paternité de son prototype. Voilà une bonne arme légale. En réalité, plus l’information circule sur votre jeu, et de facto, mieux l’idée, le concept et la mécanique seront associées à votre nom.
Vouloir à tout prix revêtir son œuvre d’une couverture juridique bien chaude s’apparente plus à un péché d’orgueil.
Donc mon conseil : concentrez-vous sur l’amélioration de votre jeu, et ne partez pas en croisade à chercher le Graal de la protection juridique. Ce n’est pas le bon moment, tant que vous n’êtes pas à l’étape de l’édition. Et si vous n’êtes pas l’éditeur, ce n’est pas vraiment votre problème.
Ceci dit, il est bien évidemment possible de protéger son idée, à moindre coût.
En France, pour prouver la paternité et l’antériorité de son jeu, vous pouvez utiliser le service e-Soleau en ligne (qui est une version dématérialisée de l’ex-enveloppe Soleau. Merci Isabelle – voir commentaires – pour la mise à jour). Coût : 15€.
L’opération est simple et accessible : vous pouvez y joindre vos PDF de vos règles du jeu, des images, des vidéos de parties (par exemple). Cette protection dure 5 ans, renouvelable.
Un peu plus de ressources sur le sujet :
- Voici un billet de Daniel Solis à propos du vol d’idée (en anglais)
- On en parle aussi dans un vieux topic sur le forum de tric-trac
Êtes-vous convaincus par mes arguments ? J’attends vos commentaires.
3 réponses à "Faut-il avoir peur du vol d’idée ?"
incroyabement pertinent !
Merci pour cat article et pour les infos 🙂
Une petite précision toutefois : l’enveloppe Soleau a été supprimée en avril dernier. Il faut maintenant utiliser le service e-Soleau en ligne, qui en est la version dématérialisée : https://www.inpi.fr/services-et-prestations/e-soleau. On paie à hauteur de la taille des documents déposés (15€/10Mo puis 10€/10Mo supplémentaire) pour un archivage de 5 ans. La démarche se fait donc sur le Portail E-Procédures de l’lNPI : https://procedures.inpi.fr/?/
Merci Isabelle pour cette précision. J’actualiserai l’article avec cette information.